Écrit par Carenews

Le Dr Pornpun (Cherry) Sripornsawan, représentante asiatique du comité d'experts My Child Matters, nous explique comment ce programme historique ouvre de nouvelles voies pour la philanthropie dans la lutte contre le cancer de l’enfant.

La situation en bref : focus sur la cancer infantile en Asie

Chaque année, 400 000 cas de cancers infantiles sont détectés dans le monde. Malheureusement, les taux de survie varient énormément selon la région où vivent ces enfants. On estime qu'environ 50 % de ces cas se situent en Asie, selon le Dr Cherry Sripornsawan, oncologue pédiatrique de renommée mondiale et représentante asiatique du comité d'experts My Child Matters (MCM). En Thaïlande, où elle vit et travaille, « environ 1 000 nouveaux cas de cancer infantile apparaissent chaque année », explique-t-elle.

Au cours de ses 14 années d'expérience dans la lutte contre ces maladies mortelles, elle a constaté d'énormes progrès dans la région. Les principales causes de décès dues aux cancers infantiles étaient l'accès aux soins et l'abandon des traitements, mais dans des pays comme la Thaïlande, les taux de survie ont considérablement augmenté. « En ce moment, en Thaïlande, pour les cancers les plus courants comme la leucémie aiguë, nous avons déjà dépassé le taux de survie de 60 % exigé par l'OMS. Avant la couverture santé universelle, quand j'ai commencé à travailler, il était autour de 30 à 40 % », se souvient le Dr Sripornsawan.

Même si des progrès sont en cours dans certains pays asiatiques, beaucoup d'autres ont besoin d'un soutien supplémentaire pour atteindre cet objectif. « Dans l'ensemble, nous avons bien avancé au fil du temps, mais cela dépend de nombreux facteurs tels que l'économie d'un pays ou si les politiques gouvernementales priorisent ou non sur le traitement du cancer de l’enfant. »

Crédit photo : James Mollison

My Child Matters, un programme de lutte contre le cancer de l'enfant

Le Dr Cherry Sripornsawan attribue les meilleurs taux de survie en Thaïlande à la combinaison de la mise en place de la couverture maladie universelle et du soutien apporté aux projets locaux par My Child Matters. En tant qu'ancienne bénéficiaire du programme elle-même, elle peut se porter garante des effets positifs que MCM a eus localement.

« Le principal impact du programme MCM concerne la formation. Lorsque j'ai commencé à travailler dans les zones rurales du sud de la Thaïlande, il n'y avait que trois oncologues pédiatriques dans toute la région. Ainsi, le premier projet que nous avons réalisé avec le programme My Child Matters s'appelait « From cure to care : Holistic care for children with cancer » (Du traitement au soin : la prise en charge holistique des enfants atteints de cancer). Il visait à construire un réseau de soins partagés dans la région du sud pour former les pédiatres et les médecins locaux au diagnostic précoce ainsi que pour nous aider à fournir des chimiothérapies dans un hôpital voisin afin que les parents et les enfants n'aient pas à se déplacer », dit-elle. Cela a contribué à réduire le problème de l'abandon de traitement.

Elle ajoute : « Un autre aspect est que le coût de la chimiothérapie est payé par le gouvernement, mais pas le coût de la vie, notamment lorsque les gens doivent se déplacer d'une autre province à notre hôpital. Ils n'ont pas de logement et ils ne peuvent pas aller travailler, ils ne peuvent donc pas se permettre d'être là pendant le traitement de leur enfant, ce qui entraîne également l'abandon des soins. Cela se produit dans de nombreux pays. My Child Matters vient combler cette lacune. »

Le soutien dont elle et d'autres lauréats en Asie ont bénéficié a ainsi permis aux porteurs de projets locaux de se former pour mieux prendre en charge le cancer de l'enfant, à travers une approche holistique, allant du diagnostic durant les premiers stades de la maladie jusqu'au processus de traitement, avec un focus particulier sur les soins de soutien et les soins palliatifs. « En Asie, plus de 10 000 professionnels de santé ont été formés grâce aux bourses MCM », précise-t-elle.

Un vaste réseau et une communauté de pratique

Pour les porteurs de projet, My Child Matters est aussi un moyen d'apprendre des autres praticiens de manière très concrète.  « Je pense que la meilleure partie du programme MCM est que je peux prendre contact avec les autres. Pour les 10 ans de MCM, il y a eu une réunion à Paris où des porteurs de projets ont été invités et nous avons tous pu voir ce que chacun fait dans son pays. Nous avons vu beaucoup de gens qui ont les mêmes objectifs, mais qui ont des approches différentes », explique-t-elle.

Grâce à son approche ouverte, My Child Matters favorise les connexions et le développement des projets de manière unique.  « Lorsqu’on assiste à une conférence, on rencontre des gens, mais généralement, on ne se dit pas :  ‘Oh, notre pays a tel problème.' Au sein de la communauté ou du comité My Child Matters, nous pouvons voir la réalité de chaque pays et trouver des pistes pour nous améliorer, afin que nous ayons quelque chose à ramener dans notre pays et à appliquer. »

De bénéficiaire à donateur : un modèle de philanthropie qui s'appuie sur l'expérience de terrain

Aujourd'hui, en plus de son travail d'oncologue pédiatrique, le Dr Cherry Sripornsawan a rejoint le comité d'experts My Child Matters, chargé de sélectionner les projets soutenus par Foundation S - The Sanofi Collective. Ce fut une expérience intéressante pour cette ancienne bénéficiaire de passer de l'autre côté du miroir. Elle a déjà apporté de nouveaux points de vue précieux durant le processus de prise de décision.

« C'est ma première année au sein du comité d'experts. Avant, c'était moi qui rédigeais les demandes de subventions, à la lecture de chaque dossier, je pouvais donc mieux comprendre quels étaient les problèmes du pays et quel était le plan d’action des candidats pour y remédier », explique-t-elle. « J'ai également pu apporter une certaine expérience, car j'ai déjà travaillé avec MCM. Je pouvais donner au comité un aperçu d'autres facteurs comme les gouvernements locaux ou la politique nationale. Par exemple, parfois, vous rêvez d'un grand projet, mais vous ne coopérez pas bien avec l'acteur local, ce qui rend très difficile la réalisation du projet. »

Des changements profons en Asie dans la lutte contre le cancer infantile

À la suite de sa première participation en tant qu’experte, le Dr Sripornsawan a présenté quelques-uns des projets choisis en Asie, qui ouvrent un nouveau champ d'action plus large pour MCM.

« J'aime le projet en Indonésie parce qu'ils essaient de démontrer l'impact d'un programme de couverture santé universelle. J'ai appris de mon expérience en Thaïlande que les soins de santé universels changent la donne en ce qui concerne le traitement du cancer infantile », explique-t-elle. « Ce sera une leçon pour les autres pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire qui souhaitent négocier avec leurs gouvernements pour concrétiser la mise en place de programmes de soins de santé universels. Je vois comment cela va avoir un impact sur la situation dans son ensemble. »

L'autre projet en Asie qui a retenu son attention est en Mongolie. « C'est un petit projet, car la Mongolie est un petit pays, mais je vois bien l'ambition de la porteuse de projet », se souvient le médecin.  « Elle a beaucoup fait pour réduire la prévalence du cancer en Mongolie, où les gens fument beaucoup ». Bien que cette cheffe de projet ne soit pas oncologue pédiatrique, elle vise un changement profond dans le domaine du cancer infantile par le biais de l'élaboration de politiques publiques, comme essayer de faire pression pour une loi sur le tabac qui entraînerait une augmentation des taxes sur la consommation de tabac.

« Je pense que c'est un peu nouveau pour la communauté MCM. Habituellement, ils n'acceptent pas un projet non mené par des oncologues pédiatriques. Mais je suis heureuse que le comité soit prêt à évoluer car, pour atteindre l'objectif mondial de l'OMS de 60 % de taux de survie pour le cancer infantile, il faut intégrer ces chiffres au niveau politique », déclare le Dr Sripornsawan.

Le rôle de My Child Matters comme acteur de plaidoyer est très clair pour le Dr Sripornsawan. Avec le soutien du programme, les oncologues pédiatriques locaux peuvent mener à bien leurs projets et prouver la valeur de leurs projets aux autorités locales afin de recevoir un soutien plus important.

« Les décideurs politiques ou les gouvernements ont besoin de bonnes nouvelles. Ils ne s’intéressent pas tant aux efforts que vous devez déployer pour lutter contre le cancer infantile, mais ils accepteraient de faire partie d'une initiative réussie comme MCM. »